Mehr Licht !

Plus de lumière ! Caractéristique de notre modernité philosophiquement dépendante du tout est là et rien que là, la postérité n’a retenu de cette célèbre exclamation de Goethe à son dernier souffle qu’une demande qu’on lui ouvre la fenêtre pour mieux voir la lumière du jour, ou alors, autre interprétation plus symbolique, un regret de n’avoir pu bénéficier ou faire bénéficier de plus de savoir. Qu’un moment aussi décisif pour une ultime pensée et parole puisse relever d’une sorte de souci domestique, ou alors d’un remords récapitulatif plutôt abstrait en la circonstance, pourrait pourtant facilement laisser place à la révélation de ce qu’il voyait, tout simplement, et dont il témoigne à ce moment-là.

Ne pas même y penser permet, à ce qu’il apparaît, de contourner la compréhension la plus évidente, celle qui requiert un état d’esprit différent, regardant résolument devant soi. Regard et évidence dont témoignent par ailleurs de très nombreux expérimentateurs de mort imminente qui en sont revenus, et qui nous l’expliquent avec la plus manifeste concordance. Pour que chacun puisse s’imaginer la chose, il lui faut donc concevoir cet instant autrement que comme nécessairement tourné vers le passé, et le traduire au contraire par une aspiration à ce qui vient.

Ce n’est dans tous les cas qu’une question de point de vue dont chacun fait le choix, en toute conscience ou en toute inconscience. La mise en scène dramatique qui consiste si fréquemment à projeter ce choix sur une quelconque autorité extérieure qui nous l’imposerait vise à nous maintenir, encore et toujours, dans cette position infantile sur laquelle, hélas, il paraît difficile de trop insister.