Longtemps, (non pas je me suis couché de bonne heure, mais) j’ai préféré à tout autre spectacle sportif celui des meetings, jeux ou championnats d’athlétisme, le sport qui a été le mien et que j’ai apprécié et pratiqué avec passion. Je réalise maintenant la somme de connaissances accumulées sur les différentes épreuves de courses, de sauts et de lancers, sans parler des concours multiples (décathlon et heptathlon), et qu’il s’agisse, pour chacune et chacun, de technique, de tactique et d’appréciation des qualités de base propres à beaucoup de sport mais pleinement évidentes chez les athlètes (endurance, résistance, vitesse, force, détente, coordination, souplesse), ainsi que sur les acteurs, présents ou passés, ayant œuvré dans ces diverses disciplines, connaissances qui sont nécessaires et qu’il importe de tenir à jour pour apprécier pleinement une rencontre de ce sport dans ses différentes scènes et actes, telle une savante dramaturgie. Et j’ai, je dois bien le constater à ma propre stupéfaction, de moins en moins le courage ou simplement le désir d’un tel suivi. Ce qui me fait regarder maintenant ces athlètes de loin en loin, et j’insiste sur le fait que j’en suis le premier surpris.
Je vois aujourd’hui plus volontiers et plus intensément, souvent même avec passion, rempli d’une joie simple, des sports que j’ai longtemps considéré avec plus de distance ou même de hauteur, comme il en va par exemple du tennis (où j’essaie cependant de fermer les yeux sur les ennuyeuses statistiques des différents types de frappe de balle et d’échanges) ou du hockey sur glace (où, hormis la chorégraphie des joueurs et la tactique mise en œuvre, je dois bien tenter tout le temps de suivre le puck sans quasiment le lâcher du regard). Par rapport à mes passions de jeunesse, ces spectacles sont plus récemment venus en avant-plan.
Cela traduirait-il un détachement de ce qui a longtemps été ce sur quoi je me focalisais et qui, je le constate chez d’autres, ne fait au contraire souvent que se renforcer l’âge venu ? C’est bien possible, car je ressens pour ma part plutôt de la satisfaction et même du plaisir, en ce moment dans mon existence, à ce qui est soit dans l’idéal entièrement nouveau, soit ce qui constitue un délassement de toute réflexion et de toute mise en contexte. Je pense même que c’est la tension entre cette soif de nouveauté et le relâchement ou abandon de l’observatoire critique – la tour de contrôle qui nous anime au quotidien et que l’on projette sur divers objets – qui me procure actuellement les plus grands bienfaits.
Ce nouvel état d’esprit ne m’empêche pas encore, bien que j’y travaille, de conserver quelques obsessions, tant il est vrai qu’on peut les glisser subrepticement aussi bien dans les projets ou objets les plus simples que dans les plus complexes. Et dans les autres disciplines que sportives tout aussi bien d’ailleurs, qu’il s’agisse des beaux-arts, de la littérature, du théâtre ou du cinéma, et encore de la musique, de la danse ou des spectacles forains, la liste n’étant bien entendu pas exhaustive.