La complaisance pour éviter les conflits

Quand le facétieux et peu fiable premier ministre britannique explique la main sur le cœur qu’il « assume l’entière responsabilité » du Partygate de son cabinet et de lui-même durant la période de confinement Covid, que dit-il vraiment ? Pour le commun des mortels, cela devrait signifier qu’il en paie le prix, tout simplement. Pour ce personnage politique tortueux, comme bien d’autres avec lui, cela signifie plutôt qu’il reconnaît les faits sans en tirer la moindre conséquence.

Dans la vie courante, en cas de vol par exemple, on en rembourse au minimum la valeur, avec une amende ou un emprisonnement quand les lieux de détention ne sont pas déjà surpeuplés. Vu que, en tant que leader du pays, cette personne contrevient avec son staff à ce qui est imposé à toute la population, qui plus est en proférant des mensonges et étant amendé par la police pour ce forfait, la rupture de confiance morale et politique qui en résulte à ce niveau de responsabilité devrait conduire au minimum à la démission pour qui fait encore preuve d’un reste de dignité. Ou alors on se dépêche de le mettre à la porte.

Or ce n’est pas du tout ce qui se passe avec ce M. Johnson. D’abord il se contente de déclarer qu’il « assume », sans plus, alors qu’il n’assume en réalité rien du tout, sauf à confondre reconnaissance de sa responsabilité et fait d’assumer les conséquences de sa faillite, c’est-à-dire de sa perte de tout crédit. Chercherait-il alors à démontrer à ses concitoyens qu’il les considère comme de parfaits imbéciles qu’il ne s’y prendrait pas autrement. On peut remarquer ensuite, et peut-être surtout, que cela ne semble provoquer aucun tollé suffisant et définitif chez nos amis d’Outre-Manche, ce qui montre le niveau de complaisance collective face à une telle indignité. Mais cela, un certain D. Trump avait déjà eu l’occasion de nous y préparer Outre-Atlantique avec la vaste gamme et la profusion de ses propres outrances criminelles et mensongères qui attendent toujours leurs conséquences judiciaires (*).

Comme on le voit particulièrement bien de nos jours, qui n’en ont probablement pas l’apanage, ce sont très souvent les plus cyniques, ceux aussi qui commettent les plus gros délits, que l’on ménage en priorité par rapport aux plus scrupuleux dont on se débarrasse en général plus facilement à la première incartade. Probablement la différence tient-elle à ceci que les cyniques ou les gros bras sont davantage prêts à assumer les situations de conflits et à y mettre les moyens que les scrupuleux qui eux ont tendance, en priorité, à les éviter.

Dans un monde où ça cogne à tous les coins de rues – que ce soit en bas de chez soi ou dans les médias sociaux, il semble assez clair que le fait de ne pas supporter les omniprésents conflits constitue un lourd handicap pour qui compte y survivre. J’ai déjà eu plusieurs occasions de le relever, la non violence n’est pas originaire, elle se conquière, parfois, et toujours de haute lutte; si possible en développant une pensée, et avec quelques arguments (à l’opposé de toute surenchère, donc, mais sans la moindre complaisance qui relève de la seule faiblesse). Il s’agit au minimum de prendre lesdits conflits à bras-le-corps si l’on veut les dépasser, et non se contenter de les contourner, les laissant pourrir en surface et empester l’atmosphère.

Il n’est ainsi guère étonnant que lorsque ceux qui prétendent à plus de justice n’ont que des indignations et quelques slogans apaisants à brandir pour empoigner ces situations, ils ne puissent passer au fond que pour de vains guignols qui s’agitent en leur théâtre.


(*) Par comparaison, on se souvient qu’un certain président Clinton, au bilan politique par ailleurs assez peu reluisant, avait été en son temps au bord de la destitution pour avoir seulement soutenu qu’une fellation n’était pas un rapport sexuel.