Amnésies et incertitude

Il est relativement facile de tracer l’analogie entre, d’une part, l’amnésie sur les débuts de l’univers, en deça du « mur de Planck » – aussi appelé avec une certaine prétention mur de la connaissance – à quoi on ne peut remonter malgré la présence indubitable d’une énergie et de matière ayant constitué cet univers, et, d’autre part, celle sur notre origine existentielle où nos sentiments et pensées étaient inévitablement déjà présents comme en témoignent leurs diverses manifestations mais nous restent tout aussi inaccessibles.

Il est déjà moins aisé mais encore possible de discerner en quoi le principe physique d’incertitude de Heisenberg pourrait régir ces deux sortes d’amnésie, sur un plan symbolique tout au moins. Ceci par le fait qu’une indétermination de la position et de la vitesse d’une particule lorsqu’une onde de probabilité n’a pas encore été réduite par un observateur se présenterait tout autant concernant les différents corps peut-être célestes, au moins subatomiques, que pour la pensée et l’esprit de l’individu qui ne sont pas encore localisés et fixés à l’origine dans ce corps dans lequel nous nous mouvons et où nous les situons à postériori. Une telle réduction nous concernant n’intervient qu’au stade spéculaire, qui correspond dans le meilleurs des cas au commencement de la fin de cette amnésie, entre six et dix-huit mois selon les connaissances actuelles.

Et il devient ou est conçu à priori comme tout à fait impossible de savoir en quoi la résolution de ces amnésies et le dépassement métaphysique de l’incertitude pourraient déterminer notre conception du monde et de nous-mêmes quant à leur origine et à leur destination (*). On peut du reste se demander qui chercherait à comprendre et pourrait bien s’intéresser à pareil phénomène ou à pareille expérience de pensée?


(*) Tout principe fondé sur l’incertitude résulte d’un choix de solutions, physiques ou métaphysiques, qui relève du libre-arbitre que nous y appliquons par définition puisque c’est toujours nous qui le disons et choisissons de le (dé)montrer. Mais cela ne nous aide guère si nous souhaitons en revanche qu’une solution s’impose à nous quoi que nous voulions et quoi que nous en pensions, se référant alors à une catégorie particulière de pensée et de problèmes où les notions de libre-arbitre et de métaphysique n’existent pas (sont plus précisément déniées). C’est là que les chemins des physiciens et des philosophes divergent aujourd’hui vers des solutions qui ne peuvent être compatibles, contrairement à un Descartes tentant encore désespérément le grand écart entre méditations et démonstrations géométriques et métaphysiques.