Prêts à dégainer ! — La peur pour empêcher de penser

Depuis quatre ans où ceux qui sont prêts à dégainer sont vivement encouragés à le faire, aux États-Unis ou ailleurs, ceux que domine la peur sont à l’affût de nouvelles et d’encore plus d’armes. Rien, hélas, de fondamentalement nouveau sous le soleil. Qu’il s’agisse d’armes individuelles ou collectives, comme il en va pour les budgets militaires, on trouve toujours tous les prétextes pour dire que l’on ne fait que se protéger et se défendre. Quel amateur individuel, quelle bande ou quelle nation armé-e-s jusqu’aux dents prétendraient-il ou elles se fournir dans le but de tuer pour se défouler ?! On a toujours une bonne raison de se protéger puisque la menace est partout. Et on accumule gentiment les arsenaux divers et variés qui n’ont bien entendu jamais qu’une vocation défensive. Curieusement quand même, plus il y a d’armes pour se protéger et plus il y a de tués, comme on le constate dans la Trumpie actuelle ou dans l’humanité éternelle.

Mais de quoi tous ces braves gens ont-ils peur ? De mourir ? Il faut tuer avant d’être tué ? Ce serait donc pour retarder leur mort qu’ils sont prêts à tirer sur tout ce qui les menace, sinon sur tout ce qui bouge. Quand on voit au nom de quels prétextes sont commis les massacres collectifs ou individuels, les guerres et les meurtres, pour défendre un bout de territoire national ou de jardin familial, une zone de tranchées qui restera la même après des centaines de milliers de morts ou une pelouse devenue cimetière lorsque la dépouille encore fumante de qui aurait pu y mettre les pieds y sera étendue criblée de balles, on voit bien que ces passages à l’acte précipitent au contraire la mort, toutes les morts. Et révèlent du coup d’indicibles violences souterraines qui ne demandaient qu’une allumette pour provoquer l’explosion et mettre au jour des fantasmes morbides profondément refoulés. Tout cela viendrait officiellement d’une prétendue assurance sur l’avenir, là où va se loger la peur de la mort, et surtout pas d’un passé amnésié où le largage existentiel et l’abandon final au néant sont dès l’origine inscrits au programme et font office de bienvenue !

Il est par ailleurs évident que ce sont les plus décomplexés face à un tel évitement de toute question et de toute réflexion qui auront toujours une longueur d’avance pour imposer leur agenda et leur tempo. Les autres devront se contenter de suivre, plus ou moins essoufflés, mais prêts à manger des patates toute la semaine si nécessaire pour s’acheter un nouveau flingue ou une nouvelle escadrille d’avions de chasse, participant, plus ou moins à la traîne, à l’infernale course aux armements. Quelle misère ! Et quelles bêtises ne commet-on pas au nom de cette sacro-sainte peur devant l’inéluctable pour s’assurer d’une dispense de réflexion qui fait clairement partie de la même course.


P.S. Notre fils a proposé hier soir à notre sagacité le film de Gaspar Noé, Climax, apparemment bien reçu à la Quinzaine des réalisateurs cannoise de 2018, dans lequel la fureur auto-destructrice en huis clos d’un groupe de jeunes danseurs (avec une drogue « involontaire » en guise de révélateur des noirceurs de l’âme) montre que la folie face à la mort peut être plus ou moins bien socialisée et normalisée : ici non, là oui !