Que l’on soit prêt à sacrifier de larges pans de la sacro-sainte prospérité économique, y compris ceux qui le font en râlant, pour se protéger d’un petit virus qui tue bien moins que d’autres causes plus funestes de mortalité dans le monde, mais souvent ailleurs qu’en Occident, montre à tout le moins que la peur de mourir, lorsqu’elle est mise en évidence par surprise, et surtout chez nous, pèse bien davantage que les folies consommatoires qui représentent l’essentiel de notre horizon capitaliste contemporain, celui de la normalité, que ce soit de façon cynique et éhontée pour ceux qui en tirent un profit maximum ou de façon soumise et humiliée pour ceux qui tirent la langue pour joindre les deux bouts (avec, au milieu, s’identifiant parfois aux uns ou aux autres, ceux qui sont assez heureux qu’on leur concède les moyens de ne pas rejoindre les déshérités).
Ce serait à vrai dire plutôt une bonne nouvelle si cela représentait autre chose qu’une parenthèse que nous nous réjouissons plus ou moins de refermer dès que possible, autant pour retourner à la consommation la plus normalement effrénée que pour se remettre d’une émergence de la vision de la mort au refoulement de laquelle la première ne contribue évidemment pas pour peu.
Mais, au fond, peut-on vraiment demander à une crise d’être autre chose qu’une crise : l’occasion de réfléchir sérieusement, au-delà des imprécations et des bons sentiments ? Sûrement pas pour ceux qui ne nous parlent que de retour à la normale, et que rejoignent ceux qui veulent bien concéder des changements cosmétiques ou rhétoriques, soigneusement éloignés de toute véritable implication sur leur avenir personnel et celui de nos sociétés.