Une armée au service de qui déjà ?

Un ami de notre fils est arrivé chez nous vendredi dernier en début de soirée avec sa toute neuve tenue de sortie de camouflage de l’armée suisse, venant directement de sa caserne après une première semaine d’école de recrue. Il devait rejoindre notre fils à une soirée de début de week end et celui-ci lui prêtait des habits civils pour l’occasion. Nous l’avons d’autant plus volontiers accueilli que l’aise que lui conférait son camouflage civil – bien plus efficace que l’autre – lui a aussitôt redonné un large sourire.

Vu ma longue expérience des contradictions, souvent apparentes seulement, de notre vie en société, j’ai vite compris que la publicité que veut se faire l’armée en ces temps de disette de bonne volonté pour aller se faire massacrer au nom de la patrie ne s’embarrassait pas de celle qui consiste à fournir une tenue de sortie bien voyante en milieu urbain et civil dans un tissu fait pour le camouflage en rase campagne ou dans nos nombreuses montagnes. S’agissant non d’une tenue d’exercice ou de combat mais bien de sortie, avec son petit col fraîchement repassé, le but est clairement de se faire remarquer au milieu des citoyens ordinaires, comme pour dire « eh les gars, nous existons ! Vous voyez bien que vous avez des raisons d’avoir peur et vous devriez nous rejoindre plutôt que de nous contester ».

Cette soi-disant grande muette, qui se manifeste et communique à sa façon, a hélas d’autres occasions de se faire remarquer, moins naïves et plus coûteuses. Je veux parler de celle qui consiste par exemple à se mettre au service des puissants de ce monde au prochain forum de Davos, en suivant docilement leurs exigences paranoïaques de sécurité alors que ceux-ci apportent par ailleurs leurs propres moyens à grand frais et grand fracas d’avions, d’hélicoptères, de véhicules blindés et de tireurs d’élite. En particulier le dangereux président actuel des États-Unis, qui constitue lui-même la plus grande des menaces pour la paix dans ce monde, et que l’on contribue à protéger à cette occasion avec nos impôts de braves Helvètes soumis à ses diktats militaires, diplomatiques, économiques et financiers.

Mais il est vrai que se croire protégés par ceux qui constituent la vraie menace (air connu), en restant docilement soumis, n’a pas de prix pour une grande partie de nos concitoyens, même si parfois on en discute un peu le coût, avant de passer finalement à la caisse.