Justice, raison et droit du plus fort

Les médias nous apprennent que, désormais, « Washington ne considère plus les colonies israéliennes [comme] contraires au droit international ». Au-delà d’une morale politique sur laquelle cette administration nous a habitué à seulement s’asseoir un peu plus lourdement que bien d’autres avant elle et autour d’elle (qui le font plus discrètement), une telle annonce pleine de morgue et provocante à souhait interroge sur les motifs avancés pour la justifier. Je note encore avant cela que la force de l’habitude, si vite acquise, fait qu’une annonce de ces gens-là plus timorée ou précautionneuse nous aurait à vrai dire plutôt surpris.

Le ministre des affaires étrangères stipule donc que « la vérité, c’est qu’il n’y aura jamais de solution judiciaire au conflit, et que les débats sur qui a raison et qui a tort au regard du droit international n’apporteront pas la paix ». J’exagère très légèrement sur la morgue et la provocation – on en a vu tellement passer depuis bientôt trois ans ! – car le même responsable a également fait valoir que cette décision ne préjugeait pas du « statut final » de la Cisjordanie, dont le sort dépendra de futures négociations, etc. [retour surprenant du bla-bla habituel dans un tel contexte]. À moins que, hors de toute vision naïve d’un tel guêpier et de tels politiciens, cet ajout doive être au contraire considéré comme le comble de l’hypocrisie. Mais revenons au fond de l’affaire et à l’argumentaire mis en avant.

Nous voilà donc doublement prévenus. Puisqu’il est tout d’abord décrété que le judiciaire n’a plus rien à faire dans ce conflit, n’apportant pas de solution, combien plus la justice – valeur suprême propre à interprétation et qui demande à être d’abord définie sur la base d’un minimum de bonne foi – n’aura plus droit de cité dans cette histoire, et en l’occurrence encore moins droit de colonie. Rayée donc de la carte, la justice, qui ne saurait avoir le dernier mot ! Le fait ensuite que chercher à savoir qui a raison et qui a tort [j’ajoute : déterminer à propos de quoi exactement et en quelle mesure semblerait judicieux, mais c’est sans doute trop demander] ne présente aucun intérêt au regard de la paix implique ipso facto que le seul droit qui puisse continuer à prévaloir est celui dit injustement « de la jungle » (*). Ou, plus précisément, celui du rapport de force dont on connaît les tenants et les … aboutissants précisément aux nombreux massacres que l’histoire nous présente à l’envi. Exit donc, la paix, que l’on n’a plus aucune raison de rechercher !

Je souligne enfin le fait que, tout cela étant décrété avec un apparent bon sens pragmatique populaire, tout au moins pour qui le survole, nous comprenons mieux les ressorts du populisme qui se glisse dans les interstices de ces propos profondément cyniques. Car il faut le dire clairement, un paragraphe pour les décortiquer paraîtra bien trop pénible à beaucoup qui ont pourtant le droit de vote. Ce sont ainsi toute une pensée et toute une action qui sont définies de façon apparemment sibylline, et qui en disent en réalité long sur ceux qui s’en font les promoteurs ; en l’espèce, hélas, et pour le promoteur en chef, plus seulement immobilier ! Espérons qu’une majorité démocratique réelle, et non bassement traficotée, de la population de ce grand pays renverra bientôt celui-ci à cette dernière activité. Dans les colonies ?


(*) Injustement car le règne animal se comporte selon les lois naturelles de la chaîne alimentaire qui n’impliquent de la part ce ceux qui occupent les avant-postes aucun arbitraire et aucune volonté d’éliminer ou de réduire définitivement à merci ceux qui sont en retrait, sans quoi leur simple survie ne serait plus possible.