Et bien sûr aussi ne rien dire et faire, qui en sont le corollaire.
J’ai pour ma part mis à profit cette coupure estivale pour rendre effectif ce silence et désactiver toute velléité d’action. Dans le premier cas en délaissant en particulier ce blog, ayant plus d’une fois résisté à la tentation de « poster » et m’en étant bien gardé, et dans le second en laissant les commandes à mon inconscient par une fracture de ma cheville droite qui m’a immobilisé quelques temps. J’ai même relégué la lecture. J’ai cherché le repos, la pause, la coupure, dans sa perspective de « un jour tout cela sera fini » qui a alimenté ma réflexion. Car, bien entendu, mes pensées ne sont jamais absentes, dans l’éveil ou dans le sommeil, que je m’en rende compte ou pas, et j’essaie donc le plus souvent d’en reprendre ou d’en maintenir le fil.
Je précise que cette pensée pure, hors du dire et du faire, a représenté une épreuve, partant d’un défi que je me suis donné pour sortir des pratiques journalières, fussent-elles des plus créatives et personnelles. Je désirais une vraie coupure mais ne savais précisément comment faire, et surtout combien cela serait difficile dans la culture productiviste qui prévaut et qui nous imprègne, la plupart du temps précisément pour s’oublier. J’y suis plus ou moins parvenu, cédant ici ou là sur quelques lignes tracées, par quelques pages lues ou en effectuant quelques bonds sur ma jambe valide.
N’ayant pas réussi à me donner tout à fait pour mort, malgré ma bonne volonté (on sait ce que la bonne volonté consciente recèle de contradictions et de vaines prétentions), je reste persuadé que mon choix était judicieux, même partiellement réalisé et avec l’aide des marges obscures de mon moi pas vraiment conscient. La tentative est aussi méritoire car il y a tant de moyens d’oublier et si peu de réaliser, vraiment et pleinement, ce que l’on prétend vouloir.
On peut même utiliser le dire et le faire pour les jouer l’un contre l’autre. Remplir l’espace et le temps de propos insignifiants plutôt que de mettre en œuvre un projet bien concret, ou alors s’activer à tout va pour éviter de réaliser ce que l’on fait par là et de s’en ouvrir vraiment. Ne sommes-nous pas, citoyens et particuliers, gens de multiples ressources quand il s’agit de nous jouer des tours à nous-mêmes ?
Notons encore que si, comme je l’ai écrit ailleurs [ Dazibao#37 ], quitter l’évitement peut faire flèche de tout bois, c’est bien parce que, en toute logique, s’y maintenir le permet aussi.