Dans les tranchées de guerres plus ou moins épiques, chaudes ou froides, ayant déjà eu lieu, encore à venir, ou simplement permanentes, nimbées d’un opaque brouillard humide d’arrière-automne, ou enrobées par une nuit sans lune où les étoiles ne peuvent percer les nuages amassés, nous nous autorisons à demander à l’ombre qui s’avance et qui exprime la présence d’un être vivant, à priori humain (à moins qu’il s’agisse d’un zombie) : « ami ou ennemi ? ».
Le problème, avec cette question à la fois naïve et évidente, que l’on voudrait désarmante, et que l’on ne peut décemment ne pas poser, c’est que si la réponse est « ennemi ! », il sera trop tard pour que nous puissions l’entendre, puisque nous serons en principe déjà mort. On aurait pu aussi penser que s’il s’était agi d’un ami, il se serait approché sans masque et sans façon, n’hésitant pas à nous interpeller, ce qui nous aurait dispensé d’imaginer même devoir poser la question.
Celle, principale, qui demeure quoi qu’il en soit, n’en reste pas moins : cela nous donnerait-il le droit de tirer ? Si tous les flingueurs de la planète prenaient ne serait-ce qu’un seconde pour y réfléchir, on aurait peut-être moins de cadavres à déplorer sur les futures scènes de crime, qu’elles soient militaires, policières, politiques et financières, ou misérablement situées sur les radeaux en miettes et en perdition d’individus déboussolés.
Et sans négliger cette autre question, certes moins vitale mais à laquelle on ne pourrait jurer n’avoir jamais pensé : que faire des si nombreux « amis » qui nous écoutent à peine, qui ne nous interpellent pas véritablement, ne s’expriment jamais, ou pour ne rien dire, et comment faire pour ne pas les confondre avec les ennemis ?