Que les hommes croient, ou non (suivez mon regard), aux causes humaines de la rapide dégradation de notre environnement et même de la perspective de notre survie, voilà ce qui déterminera l’avenir des générations futures. Comme il en va de nombreux autres domaines aujourd’hui liés à nos immodestes personnes, où il suffit de dire pour être, créant de notre propre chef le sens et la réalité, nous vivons dans un monde où triomphe le relativisme : tout dépend du point de vue. En un sens, c’est parfaitement exact.
C’est bien le point de vue, hélas serait-on tenté de dire, qui détermine notre façon d’envisager notre existence et le monde qui nous entoure, et qui ainsi façonne cette existence et ce monde, y compris quand c’est celui des décideurs détenant tous les leviers et qui ont été portés au pouvoir par la peur et la frustration. C’est en effet à partir de telles croyances que nous agissons, dans un sens ou dans un autre. Comment pourrait-il en être autrement, sauf à vivre dans l’illusion que nous soyons des êtres omniscients et parfaitement rationnels, ce que nous savons, au moins, ne pas être ; on peut en tout cas l’espérer.
Là ou le problème devient sérieux, c’est lorsque ce regard relativiste représente un absolu, le commencement et la fin de tout, et qu’aucun fait objectif, aucune limite, fût-ce la mort qui nous pend au nez, n’est plus une réalité mais devient une abstraction à peine probable, sûrement une chimère que nous éliminerons un jour. Ou : quand le fantasme de toute-puissance infantile qui vise à lutter contre la dépendance la plus complète devient un indépassable horizon ! On peut alors légitimement se demander où une telle vision délirante, qui caractérise notre époque, pourra bien nous mener. Et il semble, à y réfléchir un tant soit peu, que la réponse ne devrait guère faire de doute.
C’est au fond seulement en acceptant cette limite qu’il est envisageable de la dépasser, cessant de se comporter en enfants soumis à d’indomptables puissances qui annihileraient notre liberté et choisiraient à notre place, selon la délégation que nous sommes pourtant seuls à proférer (on préfèrerait alors, lorsqu’on y pense enfin, le moins souvent possible, n’y être pour rien ni personne). Assumer de tels choix ne peut se faire sans commencer par considérer vraiment cette limite, et donc en se situant au-delà de toute régression narcissique. On peut y croire, ou ne pas y croire, et se donner toute liberté de choisir, mais comme adulte admettant sa condition de mortel plutôt que comme enfant trépignant, vous savez, celui du « non », vers les deux ou trois ans.
Quant aux perspectives des générations futures, s’il est encore temps d’y penser, il serait souhaitable de se demander ce que pourront en dire, à leur tour, nos enfants et les enfants de nos enfants.