Si l’on cherche à se remémorer les différents terrains relationnels, inter-personnels, sociaux ou politiques, dans lesquels nous avons des investissements affectifs, sexuels, intellectuels ou citoyens, on pourrait même dire comme simples habitants de cette planète, on peut à juste titre craindre que ceux-ci soient tous plus ou moins minés par des situations de conflits ou au moins de profondes incompréhensions, si l’on ne veut pas y mettre aussi les désaccords, eux-mêmes si nombreux. On admet du reste facilement ces derniers comme parfaitement normaux. Non qu’il n’y ait par ailleurs également de la coopération, du respect, de l’action commune et des échanges constructifs ou parfois aimant, mais l’on sait tous par expérience qu’il suffit de laisser durer un peu les relations pour y voir apparaître l’un ou l’autre conflit ou incompréhension, qui peuvent aller jusqu’à la guerre dans les cas les plus graves.
Aucun de ces terrains – on peut aussi les appeler de façon plus parlante et concrète des situations de rencontre, proches ou plus lointaines – ne peut être considéré comme exempt de chausse-trappe ou de difficulté. C’est peut-être dans la relation entre parents et enfants (je nomme à dessein les premiers à la place qui leur revient, dans cette époque où les enfants sont trop souvent hissés sur les épaules de leurs parents – comme je confesse l’avoir fait moi aussi – pour voir bien plus loin que leurs jambes ne le leur permettent), dans cette relation donc que les mauvais traitements, même les plus bénins comme une fois ou l’autre la fessée ou toute autre punition humiliante, ou encore les attentes surestimées qui font porter le poids de la déception ou de l’angoisse, sont les moins fréquents, ou les plus contrebalancés par un amour qui vient du fond du cœur ou des tripes, et qui permet un déminage à peu près réussi. C’est du moins ce que l’on veut croire, car on sait que les situations gravement maltraitantes apparaissent bien le plus fréquemment dans les familles, avec les proches, et cela plus souvent qu’on ne l’apprend par les médias.
Dans les autres cas, cependant, nous avons tous affaire plus directement à cette désagréable réalité des terrains minés, même lorsque nous sommes tentés de peindre ces situations douloureuses de couleurs moins criardes ou plus apaisantes, en doré plutôt que rouge sang. Pour éclairer ces scènes sous leur lumière la plus crue (car en cette matière, il ne convient certainement pas de faire de chichis, de grimaces ou de contorsions), je me contenterai de quelques situations typiques, en omettant pour des raisons de simplicité facilement compréhensibles les relations familiales. Il va sans dire que je ne parle pas ici des rapports les plus superficiels, qui n’ont en eux-mêmes aucun intérêt, et qui participent tout au plus à mettre un peu d’huile dans les rouages sociaux.
Les relations de couples ou entre amis. Le terrain est miné par le manque de confiance, la jalousie, la simple envie, le besoin de se sentir supérieur, ou au contraire inférieur, le sentiment que l’on est insuffisamment bien dans sa propre existence pour accueillir celle de l’autre et ses attentes dites ou supposées, qui à un moment ou à un autre nous paraissent toujours trop lourdes ; et parfois à juste titre.
Les rapports sociaux divers que l’on entretient dans la vie quotidienne, au travail, aussi durant les loisirs ou en vacances. Le stress constant ou au contraire le besoin de décompresser, qui font que ces rapports pourtant réguliers ne peuvent que rarement être développés, et qu’il n’est que rarissime de pouvoir y faire état des sentiments éprouvés, exception faite des frustrations, colères, fâcheries ou, ce qui est encore le plus violent, de l’ignorance délibérée.
Dans l’espace politique local, national ou international qui façonne nos cadres d’existence enfin, où les règles de vie commune sont systématiquement restrictives pour obéir à la loi du plus petit commun dénominateur (ou pas loin), quel que soit le numérateur qui se trouve au-dessus. On ignore quoi ou qui de ces restrictions ou des débordements individuels ou de groupes sont originaires, ayant provoqué l’apparition de l’autre, à moins que cela n’ait eu lieu simultanément, mais on sait que la suppression des restrictions favorise à priori une société plus libre, et donc plus heureuse, que la multiplication de celles-ci. Mais ce n’est certainement pas ce que nous observons autour de nous par les temps qui courent.
J’en conclus qu’il vaut à priori mieux accepter de voir et d’agir dans son existence en prenant en compte ces divers champs de bataille, même lorsque le repos du guerrier, ou de la guerrière, semble pouvoir remettre les compteurs à zéro. Si je ne craignais d’aggraver la situation plutôt que de l’améliorer, je recommanderais même volontiers de prendre le taureau par les cornes, mais il y faut certainement une force peu commune, que chacun hésite à tester. Parfois il vaut mieux sagement attendre le moment propice derrière la barrière, laissant l’animal se fatiguer un peu. C’est tout au moins là mon expérience personnelle. Cela n’empêche du reste pas d’y penser sérieusement et donc de se préparer à la prochaine épreuve de l’existence, car ça au moins on sait qu’il n’en manquera pas.
Je trouve cet exercice de rappel des dures violences qui nous entourent quotidiennement, quand elles ne sont pas directement en nous, de la meilleure veine, dans un style tendu, direct et soutenu qui ne s’accommode d’aucune concession, seulement un peu digressif parfois (comme au sujet des enfants), ce qui n’était sans doute pas absolument nécessaire. Ce serait la seule critique que je formulerai.
Continue comme ça et ne te décourage pas !
Un ami qui te veut du bien, en attendant les autres
PS. A ceux qui te trouveraient un peu pessimiste, on rappellera que l’optimisme comme le pessimisme ne sont au fond que faiblesses de raisonnement, quand ça n’est pas carrément démission de la pensée. Mais je dis ça, je dis rien (HS) …
Merci du commentaire et je trouve la critique parfaitement fondée, j’en tiendrai compte à l’avenir ; même si je sais que l’art de la digression (mais encore faut-il pouvoir prétendre être un artiste en la matière), j’aurai une certaine difficulté à m’en passer complètement, pour être tout à fait honnête.
Pour le pessimiste, je dirai plus simplement réaliste, voire peut-être hyperréaliste parfois, mais ça vaut mieux que de s’oublier dans l’auto-satisfaction dégénérative. Démission de la pensée, tu exagères quand même un peu me semble-t-il.