Un jugement scandaleux !

—   C O M M U N I Q U E   D E   P R E S S E   —

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Lausanne, le 23 septembre 2018

Le présent communiqué, transmis à différents organes de presse, fait état de la profonde indignation d’un citoyen ayant par ailleurs œuvré comme professionnel de la santé des jeunes de ce pays, et qui tient à ce que les motifs à l’origine de cette réaction et leurs conséquences soit portés à la connaissance de ses concitoyens. Cette indignation et le caractère non institutionnel de la démarche expliquent sa forme épistolaire (lettre ouverte).


Le tribunal fédéral suisse, à qui en la circonstance je ne décerne pas la majuscule qu’il ne mérite pas, vient de se faire l’auteur d’un jugement scandaleux comme instance juridique suprême de ce pays. Avant toute autre considération, j’espère que les victimes et leurs familles auront le courage, les moyens ou les aides nécessaires puisqu’il semble que ce sont des gens de condition modeste, pour recourir à une instance supérieure, européenne en l’occurrence et heureusement qu’elle existe. Voici le résumé des faits.

Huit enfants d’une dizaine d’années ont été victimes de façon répétée d’un pédophile qui a pratiqué sur eux sodomies et fellations, pendant de nombreuses années, dans des conditions non seulement de contraintes mais de violences particulièrement odieuses, jusqu’aux menaces de mort avec arme à feu, « le jeune prédateur sexuel disposant d’un arsenal d’armes et de munitions dans son appartement sous-loué » (journal 20 minutes), sans compter la remise de stupéfiants à des mineurs. Le sadique reconnaît les  faits, mais paraît prétendre avoir changé, sans qu’on sache comment, et cela à l’appui d’une expertise psychiatrique qui apparaît d’une incroyable légèreté. On notera qu’il est récidiviste puisqu’il a déjà été condamné pour des faits similaires il y a une dizaine d’année par le tribunal des mineurs. Qu’il ait recouru jusqu’au tribunal fédéral après les instances juridictionnelles locales et cantonales pour se faire libérer de toute peine montre à tout le moins qu’il n’a aucunement pris la mesure de la gravité des actes accomplis et relatés avec un parfait cynisme.

Plus grave pour la confiance dans les institutions de ce pays : après une première peine extrêmement faible (1 an ferme) au regard de ces tragiques violences à l’encontre de jeunes enfants déjà grandement blessés, témoignant d’une sensibilité nettement insuffisante au vu de ce qu’ils ont subi, ceux-ci ont dû supporter une nouvelle fois la grossière dureté d’un manque de reconnaissance de ce qu’ils avaient enduré, la deuxième instance ayant réduit la première peine de moitié. Et voilà que le tribunal fédéral absout cet individu de tout crime ou presque, ramenant à 13 jours de prison – oui, vous avez bien lu, treize jours ! comme pour une amende impayée après un certain temps – la peine finale du coupable reconnu, malgré la particulière gravité des faits ! Ayant déjà effectué ces jours en préventive, cet individu est donc libre (Ah! oui, quand même, avec un sursis), alors que celui-ci ne nie rien et ne s’est semble-t-il pas le moins du monde amendé de façon sincère et exprimée de façon crédible aux victimes et à leurs familles. Je note encore qu’il n’a apparemment à ce jour suivi aucune thérapie de son plein gré, condition sine qua non d’une éventuelle évolution psychique et émotive favorable, ce qui prend toujours et nécessairement un temps très important. Si ce que vous avez lu jusqu’ici vous paraît incroyable, je vous renvoie à la source détaillée d’un article de presse qui montre bien les aspects sordides de cette affaire (20 minutes du 20/09/2018).

Ces juges ont-ils perdu la raison ? Le sens commun à tout le moins pour oser établir un jugement d’un tel aveuglement, faisant à ce point pencher la balance en faveur du criminel à l’encontre des victimes et de leurs familles qui ont eu le courage de porter l’affaire devant la justice ! Cela sans même parler de la société dans son ensemble, censée reconnaître la protection qui lui est due dans un tel verdict.

Je ne m’attarderai pas ici sur un pronostic impossible à établir en l’absence d’une connaissance des antécédents précis et de l’histoire de vie du criminel, une anamnèse très détaillée prenant au minimum des mois et n’étant pratiquement jamais réalisée dans le cadre d’une expertise psychiatrique, ni sur le fait qu’une partie des faits ont été commis avant la majorité du coupable. Ces points, mis en avant par le jugement, ne sont du reste pas prioritaires, puisqu’il s’agit d’abord que l’individu en question soit dûment et conséquemment puni pour les faits établis et pour leurs conséquences sur des victimes traitées en l’espèce avec le plus grand mépris. Je soutiens donc impérieusement qu’eût égard aux extrêmes violences passées à l’encontre des jeunes tombés sous sa coupe, celui-ci mérite de faire de la prison ferme et durable, soustrait à court et moyen termes à tout possible contact avec ses victimes passées et pour éviter toute nouvelle agression contre quelque victime que ce soit, fût-ce une seule fois, et avec une seule victime. Et cela, en attendant de voir s’il est réellement capable de changer en profondeur. C’est la moindre justice que l’on puisse demander dans un régime de droit où même une vague proportionnalité des peines en fonction des crimes commis ne peut être bafouée ainsi qu’elle l’est avec ce jugement absolument scandaleux !

Jean-Pierre Abbet, écrivain, enseignant et chercheur professionnel ayant œuvré sur les modes de vie et la santé des jeunes aux niveaux national et international, ainsi que comme expert sur les jeunes et la violence auprès du Conseil fédéral

jean-pierre.abbet@citycable.ch | monsiteweb@jeanpierreabbet.com

 


Nota Bene : un court article de blog du 21 août dernier L’utilisation des enfants et des adolescents et un bref essai référencé sur cet article à propos de la même question – bien en deça des horreurs de la présente affaire – figurent et peuvent être obtenus sur le site de l’auteur